[Témoignage] : La naissance de Manech, à la maison

Le 16 avril 2020.

Depuis quelques jours je soupçonnais avoir fissuré la poche des eaux mais ça ne coulait pas en continu. Rien d’inquiétant m’a dit A. notre sage femme, même si c’est à surveiller. Le 14 avril en me couchant et le 15 au matin je perds un peu plus de liquide et m’inquiète un peu. Je décide d’appeler A. pour lui demander conseil. Elle me dit qu’elle passera à 16h pour faire un monitoring. Elle ajoute que bébé se prépare, qu’il ne faut pas non plus traîner des jours alors je peux lui écrire une lettre pour lui dire que je suis prête à l’accueillir.

C’est vrai, je suis prête. Je le réalise après la conversation avec A. qui me demandait si j’avais des peurs ou des blocages qui pourraient entraver le début du travail. Dans ma tête j’avais fixé la date du 15 avril pour parler à bébé. Je voulais inconsciemment qu’il attende le 16 avril pour pointer le bout de son nez. Le 15 avril il y a déjà un anniversaire dans ma famille ! Comme quoi bébé m’a entendue et m’a montré qu’il était prêt avant que je ne me rende compte qu’on était le 15 avril, avant de me rendre compte que moi aussi j’étais prête… D’ailleurs, pendant ma grossesse j’avais eu le sentiment (l’intuition?) que j’accoucherai la semaine autour du 15 avril qui tombait pendant les vacances d’A. !

Je perds le bouchon muqueux après une bonne douche où j’ai pris le temps de me chouchouter. Florian est tout excité et me fait des grands sourires quand je lui annonce. A. me répond que ça bouge, que c’est génial ! J’écris le petit mot à bébé pour lui dire qu’on l’attend…

A. arrive vers 16h et on fait le monitoring sur le canapé tout en discutant. Elle est toujours douce et souriante, c’est apaisant. Florian est à son bureau en télétravail à côté de nous mais il est trop distrait pour  travailler, il discute avec nous et nous fait rire.

Les contractions commencent à se faire sentir pendant le monitoring. Tout va bien.  A. repart nous conseillant de favoriser ma production d’ocytocine.

On réalise petit à petit avec Florian que ça approche. On  trinque ce soir-là à l’arrivée de bébé et nos derniers instants à 2…

On va se coucher tôt pour se reposer avant l’accouchement. Finalement les contractions se rapprochent rapidement et deviennent plus intenses, je ne peux pas dormir. Il est environ 22h45. Flo aurait voulu que ça ne commence qu’au matin afin de profiter de la nuit pour se reposer, c’est raté ! Moi, intimement je savais que ça se passerai la nuit. Florian calcule la fréquence des contractions avec une application.

Je me lève et m’accoude au lit pour passer les contractions, le ventre dans le vide. J’ai passé beaucoup de temps dans cette position pendant la grossesse, la gravité aidant à détendre le ventre. Je préviens ma mère qui m’envoie plein de messages de soutien. J’écoute le chant que Solenn m’a envoyé. Je me dis que mes cheveux vont me gêner alors je me fais une tresse entre 2 contractions. Je regarde mon portable de temps en temps, mon frère m’a envoyé un message, et puis d’un coup je décide qu’il est temps que je me concentre, que j’entre dans ma bulle et j’éteins mon téléphone. Je suis entrée dans le vortex de la naissance…

 

Je m’assois sur le ballon à côté du lit, je suis bien dans mon petit coin entre le lit et le mur, un plaid sur le dos, dans le noir de la nuit. Je me rappelle les techniques de gestion de la douleur apprises en Haptonomie. Je fixe le boîtier du thermostat sur le mur d’en face et me concentre pour « souffler » mes contractions vers le boîtier. Je me sens bien, je me dis même que je gère plutôt bien les vagues. Florian s’est endormi, je vois les heures passer sur le réveil mais le temps ne me paraît pas long. 

Il est 2h quand Florian se réveille et me dit qu’il peut remplir la piscine. Il s’affaire pour tout préparer; mettre le chauffage (à fond!), les rideaux aux fenêtres, les bougies… J’avais décidé depuis un moment déjà que j’accoucherai dans la chambre de bébé, je l’avais ressenti comme ça, comme une évidence… Elle n’est pas grande, telle un cocon douillet, je m’y sens bien. Florian me parle normalement, me pose quelques questions logistiques, ça me fait bizarre, je ne suis plus vraiment là. Je vois qu’il stresse un peu, qu’il veut que tout soit parfait pour moi. Je lui dis qu’il est temps qu’il me laisse partir dans ma bulle… 

La piscine remplie, je rentre dedans. Je suis bien dans l’eau mais les contractions sont de plus en plus intenses. J’y resterai environ 3h. D’ailleurs les différentes phases tout au long de mon accouchement dureront environ 3h chacune. Comme une horloge bien réglée ! Je profite des pauses entre les vagues des contractions, elles me font du bien. Et ça repart, la vague monte, elle s’intensifie, je me concentre sur ma respiration, je souffle, je sers fort la main de Flo, puis la vague se retire doucement, je souffle et me détends. Je change de position dans l’eau, tantôt assise presque allongée, tantôt sur les genoux, accoudée sur les rebords.

Il est environ 4h. Florian a continué de chronométrer les contractions mais je ne le vois pas faire. Il sort quelques instants de la chambre et je comprends qu’il téléphone à A. Elle lui dira plus tard qu’il lui a donné toutes les informations détaillées dont elle avait besoin, il avait bien retenu sa leçon ! Et aussi qu’elle s’était réveillée juste avant qu’il l’appelle, comme si elle savait,déjà connectée à la puissance de l’enfantement… Elle arrive environ 30 min après. Je les entends parler tout bas dans le salon mais ils me paraissent très loin. A. entre dans la chambre et me dit coucou en chuchotant. Je tourne la tête vers elle mais je n’ai pas la force de répondre et me replonge dans l’accueil des vagues.

Je crois que je souffle un “j’en peux plus”. J’ai des fourmillements sur le visage, mon nez me chatouille, comme endolori. Mes muscles des épaules sont tendus, une contracture musculaire me fait souffrir, alors A. me masse. Ses doigts de fée me soulagent directement ! Elle contrôle le rythme du cœur de bébé, il va bien. 

Une envie d’uriner me fait sortir de l’eau. La contraction sur les toilettes est difficilement gérable. Je retourne dans la chambre et m’installe sur le matelas au sol. Il est environ 6h du matin. C’est la dernière partie de la dilatation. Je suis à 4 pattes. Mes souvenirs sont flous, je suis dans le vortex, dans un autre monde. La douleur est montée d’un cran, elle me submerge et j’ai beaucoup de mal à la gérer. Ma respiration est très courte et saccadée, je n’arrive plus à la contrôler et j’ai l’impression de manquer d’air à chaque inspiration. Mon bassin me fait énormément souffrir, je me tortille dans tous les sens allongée sur le côté. 

Je demande à aller à l’hôpital, je suis à bout, je supplie, je pleure à chaudes larmes. Je n’entends presque pas les encouragements de Florian et A. Je demande à A. de m’examiner pour savoir où en est le travail. Elle me dit qu’elle peut m’examiner mais qu’elle ne me donnera pas de chiffre. J’accepte. Je dois me mettre sur le dos mais ça m’est impossible. Je crois que je passe encore plusieurs contractions allongée sur le côté avant de rassembler des forces pour me mettre sur le dos. A. m’examine, ça me fait mal mais tant pis je veux être rassurée. Elle me dit que ça a bien avancé. Mais ce n’est pas fini. 

Cette phase me paraît interminable. Je sors des sons graves qui m’aident pendant les contractions. Florian et A. m’accompagnent, nous sommes à l’unisson, ils prolongent mes sons quand je n’ai plus de souffle. A. me masse le sacrum avec une balle en mousse. La douleur est toujours là, elle me fait perdre pied. Je ne m’attendais pas à cette sensation dans le bassin, cette douleur jusque dans les os. Je ne comprends pas, j’ai l’impression que ça bloque. Je demande à A. un nouvel examen. Elle ne me donne toujours pas de chiffre mais elle me dit qu’il ne reste pas grand chose et je le vois sur son visage, je suis rassurée.

Je veux changer de position. J’attends un peu que les vagues passent. Je n’ai pas de force pour bouger. Et puis d’un coup, je me relève. J’ai l’impression de puiser une force de nulle part qui m’extirpe de ma position allongée. J’entends les encouragements de Florian et A. ; “Voilà c’est ça, c’est bien, super !” Je reprends confiance en moi. J’ai passé le sommet, la phase de désespérance… 

A. me propose de m’asseoir sur le ballon car bébé n’est pas totalement en face du col, il appuie plus du côté droit et cette position peut l’aider à se positionner. J’essaie mais impossible de rester, les contractions sont trop fortes dans cette position. Elle me propose alors de me mettre accroupie, suspendue à son cou à l’aide d’une écharpe. 

Et puis les contractions sont de moins en moins fortes. Florian prend le relai. A. va se reposer. J’ai besoin d’aller aux toilettes alors Florian me soutient, il m’accompagne et reste avec moi. On repassera pour la romance ! Mais mon corps fait de la place, c’est bon signe ! On retourne dans la chambre et je me mets à genou sur le matelas, la tête enfouie dans les coussins. Mon corps reprend des forces, je somnole. C’est la quiétude, le calme avant la dernière tempête. Je peux enfin me reposer… Je resterai dans cette phase de quiétude environ 3h encore ! Je crois que mon corps avait vraiment besoin de repos. L’avantage de l’AAD, du respect de la physiologie et du rythme naturel de l’accouchement fait que justement, nous avons respecté ce rythme qui, dans cette phase, s’est ralenti.

Vient le moment où je sens mon bébé qui descend et je dis “ça pousse !” J’entends derrière moi A. commencer à préparer le matériel, et appeler Florian parti se reposer. Je me dis que ça y est, je connais cette phase-là et c’est bien la dernière, j’ai tellement hâte de rencontrer bébé ! Je me relève un peu et me mets instinctivement à 4 pattes. Mon corps et mon bébé travaillent de paire, je le ressens sans faire quoique ce soit. Les poussées montent en intensité. A. vérifie le cœur du bébé et comme elle me dit que tout va bien, qu’il se débrouille vraiment très bien, ça me redonne du courage. Je suis aux pieds du matelas, sur le tapis de yoga, entre l’armoire et la piscine. 

Je commence à crier, la sensation est très forte sur le périnée, ça vient par vague. A chacune d’elle je me dis que bébé va arriver mais finalement, comme toutes les phases précédentes, on fait dans la durée ! Ce n’est plus la sensation d’une contraction mais vraiment celle d’une poussée vers le bas et aussi l’impression que je vais m’ouvrir en 2. Je me mets sur les genoux, accoudée aux rebords de la piscine. L’intensité est très forte maintenant, je crie, je hurle ! Une poussée me fait penser qu’il sort, je sens que je m’ouvre, je pousse aussi, je sens sa tête sur mon périnée, mais non, il remonte ! Je crie à qui veut l’entendre “Oh non il est remonté, il fait le yoyo !” La prochaine c’est la bonne, je n’en peux tellement plus que je pousse de toutes mes forces pour le faire sortir. Je sens le cercle de feu, cette sensation de brûlure. Et finalement, vient la dernière poussée, je suis toujours en train de crier dans les aigus, je m’excuse au passage de crier autant. Je pousse plus fort que jamais, je sens la tête passer et sortir ! Je vois Florian allongé sur le matelas à côté de moi, il me semble qu’il fond en larme la tête dans les mains à la vue de la tête sortie.  A la contraction suivante, c’est le corps qui sort. La poche des eaux éclate à ce moment-là.

Je n’ai plus mal. A. et Florian attrapent bébé à la sortie, ils le retournent et le posent sur le tapis sous moi. Il crie directement, il crie dans les aigus, je me dis même qu’il crie comme je viens de crier pendant presque une heure ! Je reste quelques minutes accoudée à la piscine, je redescends doucement de toute cette intensité. Après ce petit temps d’atterrissage, je soulève ma jambe gauche, m’assois sur mes talons et prends mon bébé. Il est là, tout chaud, tout glissant, je tiens enfin mon bébé dans mes bras, je suis submergée d’émotions, je fond en larmes. Et Florian avec moi… 

Mon placenta sort dans la foulée, sûrement aidé par ce grand shoot d’ocytocine, nous dira A. Elle-même est restée là quelques instants, dans la béatitude, shootée par les hormones de l’amour flottant dans la pièce, avant de se ressaisir et reprendre son rôle de sage femme. Je lui demande alors le sexe de notre bébé, elle me le montre directement, on est toujours dans la pénombre et je vois flou, puis je regarde à nouveau; c’est un petit mec !

Je ne me sens pas très bien, j’ai la tête qui tourne et me sens faible comme lors d’une baisse de tension. Alors je demande à A. qui est en face de moi de bien vouloir prendre bébé et je vais m’allonger sur le matelas avant qu’elle ne me le redonne. 

Mon bébé tout contre moi, je n’ai d’yeux que pour lui et le temps suspend sa course…
Récit de la naissance de Manech
@tousencoeur 

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