Accoucher est-il forcément synonyme de douleur et souffrance ?

Toutes les femmes occidentales entendent quotidiennement, et depuis l’enfance, que l’accouchement est terriblement douloureux,  voire même qu’il est une véritable torture ou un supplice que la femme doit  subir. Historiquement, la religion n’a pas aidé avec son fameux : « tu enfanteras dans la douleur » ayant conditionné les esprits en profondeur. Aujourd’hui, les femmes peuvent entendre ces messages négatifs et clairement néfastes de la bouche leur mère, de leur amie, de leur voisine, de leur médecin, et même d’hommes !

Mais, ceci est une croyance très répandue à travers le monde, et particulièrement en Occident. Ouh, je vois déjà les mamans me lisant rugir à de tels propos. Je sais que la plupart d’entre vous avez énormément souffert en accouchant, c’est un fait.

Mais si on essayait de percevoir la naissance autrement ? 

Souffrance versus douleur

D’abord, il est pour moi primordial de bien différencier les termes souffrance et douleur.

Ressentir de la douleur en accouchant ne veut pas forcément dire qu’il y a souffrance. La sage-femme Maïtie Trélaün, dans son livre J’accouche bientôt que faire de la douleur décrit magnifiquement ces termes et souligne l’importance de les distinguer.

Elle explique que souffrir vient du latin sufferre qui signifie supporter, endurer, subir. Il comporte les notions de passivité et d’être victime. La souffrance, signifie avoir mal mais également être mal. Ce mal-être n’a pas de sens, la femme se trouve dans l’incompréhension, la perte de repère. La souffrance est donc diffuse. Elle nous submerge, nous envahit, nous perd, nous rend fou, nous fait peur. La femme a perdu le contrôle, elle subit. Pour Maïtie, la souffrance est associée à la réflexion, au  questionnement, à la recherche de sens, au rapport à soi et à l’autre.  Elle diminue la puissance d’agir que nécessite un accouchement. La femme n’est plus connectée à son cortex archaïque et animal. Son cortex préfrontal est mobilisé, elle est dans la raison. Elle n’est donc plus dans la physiologie. Je vous parle de ces mécanismes du cerveau lors de l’accouchement dans cet article.

Quant à la douleur, elle est localisée. On l’accepte, on l’apprivoise. On s’en sert comme un allié pour accompagner la descente de notre enfant. Ici la femme est pleinement actrice et vit son accouchement puissamment.

Pour Maïtie :

  • La douleur est descriptible alors que la souffrance non.
  • La souffrance contient une partie affective. Pas la douleur.
  • Avec la douleur « on va avec », alors que pour la souffrance « on va contre ».
  • La douleur amène à visiter nos limites, nos résistances, à nous dépasser.
  • La souffrance peut détruire, anéantir, briser. Elle enferme, isole. Elle nous coupe de nos ressources. Il n’y a plus d’espoir en vue. Les hormones de stress amplifient encore plus la douleur. C’est un vrai cercle vicieux qui peut stopper la progression du travail.

Pour moi, connaître la différence entre ces deux notions a totalement participé à mon expérience si positive de la naissance de ma fille. J’ai vécu mon accouchement en totale sérénité, sans une minute de souffrance. La « douleur » que j’ai pu ressentir n’en était même pas vraiment. En réalité, j’ai beaucoup de mal à employer ce terme de « douleur », tellement mon vécu a été positif. Je préfère décrire mes contractions comme des sensations immenses et puissantes qui me traversaient. C’était extrêmement fort et intense. J’étais transportée dans un au-delà, dans une bulle de douceur et de forces (ou ça peut aller ensemble) ! Je vous invite à lire mon récit d’accouchement à domicile si vous souhaitez en savoir plus 🙂 !

Bien-sûr quand on accouche ce n’est pas noir ou blanc, douleur ou souffrance. La femme peut traverser plusieurs phases lors de la naissance de son enfant. Elle peut tomber dans la souffrance notamment dans la phase dite de « désespérance » que certaines vivent. Elle peut ensuite parvenir à sortir de cette plongée dans la souffrance et redevenir actrice. Pour en savoir plus sur les différentes phases de l’accouchement, je vous invite à lire cet article.

Accoucher : suis-je réellement prête à vivre cette expérience transformatrice ?

Ensuite, d’après Ina May Gaskin, nous savons que certaines femmes connaissent un travail qui n’est pas douloureux (ce qui ne veut pas dire sans sensations, celles-ci immenses).  Pour cette sage-femme, il faut envisager l’accouchement sous un angle différent :

Elle explique que l’acte sexuel, impliquant les même organes que l’accouchement, peut lui aussi être extrêmement douloureux. Ou bien tout simplement mettre un tampon ! Tout cela dépend d’un facteur essentiel : la femme est-elle prête pour cette expérience? Pour Gaskin, c’est un facteur fondamental du vécu de l’accouchement, et c’est pour cela qu’il existe une telle diversité dans la façon dont les femmes décrivent les sensations et la douleur de leur accouchement. Que ce soit pour mettre un tampon, faire l’amour, ou donner la vie, si la femme n’est pas prête ou n’a pas envie, elle va se crisper, se tendre, stresser, appréhender. Son corps, sous adrénaline, va se fermer. Une femme prête à vivre cette expérience sera plus détendue, sereine, confiante, relâchée, souriante. Son corps, sous ocytocine, va s’ouvrir. La femme qui n’est pas prête ayant son corps complètement fermé, ressentira donc forcément beaucoup plus de douleurs et de souffrance qu’une femme qui est prête.

Comme accoucher implique, généralement, beaucoup plus de choses que de mettre un tampon, cela nécessite alors peut-être un véritable travail d’introspection.

Comment l’accouchement est-il perçu dans mon pays, dans ma famille, par moi-même ? Pourquoi ? Comment les femmes de ma famille l’ont-elles vécu jusqu’à présent ? Que m’ont-elles transmis ? Quelles peurs sur l’accouchement sont véhiculées dans mon entourage, ma société ?  Qu’est-ce que devenir mère va impliquer ? Qu’ai-je peur de perdre ? Qu’ai-je peur de gagner ? Quelles sont mes croyances sur l’accouchement, la naissance, le devenir mère ? Qu’en est-il de la réalité (informations sur l’accouchement) ? Etc.

Il y a tellement de contenus inconscients, que réfléchir profondément à ces questions peut venir lever les blocages et nous libérer de peurs et  d’angoisses profondes nous empêchant d’être prête à vivre sereinement la naissance de notre bébé. 

La douleur : vécue différemment selon la culture d’origine

Ensuite, pour Ina May, la perception de la douleur est un autre facteur qui fait varier le ressenti, car elle dépend de la culture d’origine. Par exemple, aux Pays-Bas ou au Japon (et dans bien d’autres pays à travers le monde), la plupart des femmes ne s’attendent pas à recevoir d’analgésie lors d’un accouchement physiologique normal. Pour elles, s’il y a de la douleur, elle n’est pas du tout la préoccupation principale. Cela fait partie intégrante de la nature. Alors qu’en France ou aux USA, la plupart des femmes redoutent fortement la douleur. Accoucher est considéré comme une réelle épreuve de vie, qui fait très peur et terriblement mal. Il y a souvent une réelle psychose autour de cet acte, créant de véritables phobies d’accoucher ! Je me rappelle que tout juste adolescentes, nous en parlions déjà dans les cours de récré …. Je me revois dire tout haut à mes copines « accoucher sans péridurale? mon dieu jamais !  » Ha ! Ha ! Si j’avais su que finalement je choisirai d’accoucher chez moi…(pour connaître les raisons de mon choix, je vous invite à lire cet article aussi paru dans le  Huffington post).

Pendant ce temps…aux Pays Bas, les professionnels de la naissance, eux, ont la conviction que le corps des femmes sait totalement faire si on lui laisse le temps. Les femmes intègrent cette confiance et il n’y a pas toutes ces peurs autour de l’accouchement véhiculées par la société et les professionnels de la santé.

Ces différentes manières de percevoir la naissance sont en fait des représentations cognitives que nous nous forgeons depuis l’enfance en fonction de la société dans laquelle nous évoluons, de notre famille, de nos expériences propres, etc.

Les représentations cognitives de la douleur de l’accouchement

La douleur est vécue de façon différente selon ce qui la provoque. Négative en cas de blessure, elle peut être foudroyante et créé un grand stress. La douleur d’un accouchement physiologique est dite « positive » contrairement à celle d’une blessure. Pour Ina May, lorsqu’on se fait mal, le message est « Fuis » ou « Défends toi ».  Pour notre sauvegarde et notre sécurité, le corps réagit ainsi en sécrétant de l’adrénaline.  La douleur du travail d’accouchement détient quant à elle un message complètement différent. Elle dit : « Relâche toi« , « Relâche ton corps , tes muscles, laisse toi aller, lâche prise, abandonne toi »

Malheureusement en Occident, la majorité des femmes réagissent à la douleur de l’accouchement comme à celle d’une blessure puisqu’elles ont intégré des représentions fausses sur la naissance. Lorsqu’on accouche, c’est pourtant un tout autre type de douleur : une douleur aux multiples sensations, une douleur qui a un sens positif car elle fait progresser le travail, elle ouvre le corps de la mère vers la rencontre avec son enfant. Lorsque les personnes présentes à l’accouchement ne sont pas elles-mêmes terrifiées par l’accouchement (oui on parle bien des médecins, sage-femmes, soignants, en plus de votre proche vous accompagnant…), le vécu de la douleur est beaucoup plus léger. Avoir la même personne de confiance à vos côtés, votre sage-femme que vous connaissez, ou votre doula, est un facteur clé d’un vécu positif de la douleur. Sa présence calme vous apaise, vous conforte, ses paroles vous renvoient tout le positif et la normalité de la situation. C’est un véritable effet miroir. Lorsque vous avez cette certitude que rien de négatif ou de mal ne vous arrive, la douleur peut même diminuer et votre faculté à la supporter croître. Lors de paroles et d’un comportement rassurant de la sage-femme, la mère se détend alors et une décharge d’endorphines apparaît dans son corps. C’est ce que j’ai envie d’appeler un véritable cercle vertueux de la naissance positive, indispensable au vécu serein d’un accouchement, sans souffrance.

Malheureusement, par manque cruel d’informations de la part des professionnels de la santé (qui eux-mêmes ne sont souvent pas formés à la physiologie…), les femmes se tournent directement vers la médicalisation et ne voient pas tous les bénéfices à vivre le travail d’accouchement naturellement.  Elles ignorent souvent tout de la physiologie (mes articles sur le sujet ici; et ). Elles ne savent pas que simplement en bougeant et en suivant son instinct, en entrant dans une bulle animale, leur perception du travail serait totalement différente, et donc leur vécu de la douleur aussi. 

Les représentations cognitives qu’on se fait de la naissance et de la douleur impactent donc énormément notre vécu. Si la femme arrive à comprendre ce processus naturel de la douleur, son rôle, son importance, son positif, en changeant ses représentations, elle vivra un tout autre travail d’accouchement et une douleur atténuée.  Pour Ina May Gaskin, les mots employés sont également important : il faut éviter de penser en terme de « contractions utérines », mais plutôt en terme de « sensations intéressantes, fortes et puissantes ».

La douleur de la naissance physiologique VS celle de la naissance médicalisée

D’après Ina May Gaskin, la douleur (ou les sensations puissantes) de l’accouchement physiologique et naturel est nette. Elle s’arrête dès que l’accouchement est terminé. Elle se manifeste « sans dommage pour le corps ». Par contre, quand le fait d’éviter toute douleur est l’objectif premier, « un effet paradoxal survient » : beaucoup de femmes doivent alors supporter une douleur post-partum pouvant durer des mois. Le recours à la péridurale augmente le nombre de césariennes et d’extractions instrumentales. La péridurale provoque des douleurs dorsales au long terme chez 1 femme sur 5. Ne parlons pas des douleurs d’une césarienne…de la sonde urinaire…d’une épisiotomie…toutes ces douleurs empêchant la mère de pouvoir tenir et s’occuper de son bébé comme elle le souhaite. Si vous souhaitez en savoir plus sur l’impact des pratiques courantes hospitalières je vous invite à lire cet article, puis celui-là.

Besoins de la femme et physiologie respectés = douleur diminuée

Des études scientifiques ont comparé le vécu de femmes ayant accouché à l’hôpital, et d’autres à domicile. Les femmes ayant accouché à l’hôpital estimaient la douleur plus forte que celles ayant accouché à la maison (Gaskin, La naissance naturelle). Il y a plusieurs raisons à cela :

  • Les femmes qui accouchent chez elles sont libres de leur mouvements, on ne les force à rien.
  • Elles sont libres de manger, de boire, d’être entourées des personnes de leur choix, et pas d’inconnus.
  • Tous leurs besoins de base et de mammifère qui accouche sont comblés
  • Elles reçoivent aussi l’assistance constante de leur sage femme, personne de confiance de leur choix. Elle les soutient tout au long du travail, autre facteur qui diminue la perception de la douleur.
  • La physiologie est respectée à 100%.
  • Accoucher chez soi, dans son intimité, un lieu familier favorise le lâcher prise, la détente, le retour à l’animal en nous. Cela participe totalement à l’entrée dans cette bulle protectrice qui permet de diminuer largement la douleur, voire de ne pas en ressentir (attention cela veut dire que la femme ressent des sensations puissantes, énormes, qui traversent son corps, plutôt que de la douleur) ! Pour en savoir plus sur les besoins de base d’une femme qui accouche je vous invite à lire cet article.

En plus d’accoucher chez soi, il existe plusieurs alternatives formidables à la médicalisation, que je vous décris ici. Les femmes doivent savoir qu’elles ont le choix d’accoucher où elles veulent et comment elles veulent, en cas de grossesse normale.

Accouchement et plaisir

Pour certaines femmes, l’accouchement est réellement sans aucune douleur. Pour d’autres, il est même orgasmique. En effet, l’accouchement rend acteur les exacts mêmes organes que lors d’un acte sexuel. Les mêmes hormones sont aussi en jeu : l’ocytocine, et les endorphines. Pour en savoir plus sur toutes les hormones clés de l’accouchement, je vous invite à lire cet article. L’accouchement orgasmique, certes rare, est un véritable tabou de nos contrées occidentales. Il faut dire qu’il est beaucoup plus rare de le voir chez nous puisque l’accouchement est majoritairement vécu de façon anti-physiologique et dans un environnement ne permettant pas le lâcher prise et la sérénité chez la mère. La naissance orgasmique est beaucoup plus fréquente chez les peuples traditionnels, chez qui l’accouchement est vécu beaucoup plus positivement et sereinement.

Pour conclure…

Alors oui accoucher peut être douloureux, mais pas toujours, et il est encore moins forcément source de souffrance. Vous l’aurez compris, cela dépend de multiples facteurs pouvant souvent être évités selon nos choix d’accouchement, et notre travail personnel.

Pour finir, retenez qu’une mère qui a accouché naturellement et sans intervention est littéralement euphorique quand bébé sort du ventre (je l’ai vécu, c’est extraordinaire comme état), dans un état de bien être extatique (oh oui ! une des première chose que j’ai dite était  « chéri je veux 10 enfants pour vivre ça 10 fois! »). Elle est « stimulée par la décharge hormonale qui suit la naissance » (Gaskin), l’ocytocine, hormone de l’amour qui est libérée au moment où la tête et le corps du bébé sortent. « La femme a élaboré des techniques de relaxations puissantes, éprouvées pendant l’expérience la plus intense et mémorable de sa vie.  Elle a appris de quelle manière une  respiration lente et profonde peut changer les sensations corporelles et la teneur de ses pensées. Elle a surement une nouvelle image et estime de son corps.  Elle a ressenti l’extraordinaire mélange de vulnérabilité, de puissance et de connexion avec le principe féminin qui caractérise le travail et l’accouchement ». (Ina May Gaskin). Accoucher naturellement est donc un immense, profond et puissant voyage vers la rencontre de notre enfant pouvant nous transformer. C’est une expérience qui restera gravée en vous pour le restant de vos jours.

A très vite 🙂

L.

Sources:

J’accouche bientôt, que faire de la douleur ?

Retrouvez tous mes articles sur le sujet de l’accouchement ici : https://unepetitegraine.blog/category/autour-de-la-naissance/page/1/

5 commentaires sur « Accoucher est-il forcément synonyme de douleur et souffrance ? »

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